Un film de combat

 Il y a une raison évidente d’aller voir les Combattants : la merveilleuse prestation de la merveilleuse Adèle Haenel dans le rôle que l’on espère pas trop de composition de Madeleine, une jeune fille du XXIe siècle à qui l’on ne dit pas ce qu’elle doit faire ou doit être, insolente, libre, frondeuse, indomptable, surdiplômée, intelligente mais persuadée que la fin du monde est proche et que le meilleur moyen d’apprendre à y survivre est d’intégrer un régiment parmi les plus difficiles de l’armée.

Elle va rencontrer Arnaud, un jeune homme qui incarne cette partie de la jeunesse française, bloquée, rurbaine, ni pauvre ni riche, un peu inculte, qui ne sait pas trop quoi faire de sa vie, qui zone entre petits boulots, barbecue et boites de nuit, pas révoltée mais qui sent bien que la vie, ce n’est pas tout à fait ça.

Madeleine et Arnaud sont deux formidables personnages loin des clichés du genre. Madeleine est un garçon manqué, mais pas vraiment, Arnaud est un garçon sensible, mais pas que, et c’est ce qui rend le film si moderne, ce refus des clichés faciles qui s’applique donc aux personnages mais aussi à la province, à l’armée, à la nature jusqu’au titre qui pourrait être banalement celui d’un film d’action sans intérêt. Il n’en est rien.

Le film est formidablement découpé, commençant comme une comédie franchement affutée pour ensuite devenir un film plus tendre et contemplatif dans la lignée du cinéma d’auteur français et se terminant dans un registre proche du fantastique.

Enfin, pour les amateurs de musiques de films, il faut aller voir « Les Combattants » pour sa bande originale électro où les beats sont autant de pulsations cardiaques et de battements de cœur selon qu’ils accompagnent des scènes d’action ou d’émotion. (On se félicite au passage que cette nouvelle nouvelle vague du cinéma français (Sciamma, Zlotovski et quelques autres) trouve son identité dans la musique électro plutôt que comme le cinéma américain dans un genre de folk vaporeuse et souvent endormie et insipide.)

Les Combattants auraient dû s’appeler les Survivants car au fond, c’est bien de cela dont il s’agit, de la différence entre la survie individualiste, douloureuse et finalement inutile et la sur-vie, synonyme de liberté, de curiosité, de générosité et finalement d’amour, un mot absent du film mais présent dans les regards de chat et de lionne de ses deux acteurs.

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Cinéma-Casino

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A-t-on plus de chance d’aimer un film qui se passe dans un casino ? Ce n’est pas impossible. Les chances d’aimer « L’homme qu’on aimait trop » sont fortes.

Les admirateurs d’André Téchiné retrouveront son habituel romantisme, cette façon unqiue de filmer des acteurs amoureux dans des paysages ensoleillés. Comment ne pas penser aux égarés en voyant Guillaume Canet / Maurice Agnelet traverser des champs de blé avec Adèle Haenel / Agnès Le Roux ?

Les admirateurs de musique savoureront la bande originale composée par Benjamin Biolay à la fois totalement adaptée aux salons bourgeois des seventies et totalement biolesque avec ses cordes omniprésentes.

Les amateurs de nouveautés découvriront Adèle Haenel (défintivement le prénom le plus bankable du cinéma français des années 2010) dans un rôle enfin à la mesure de son talent, ici en héritière frondeuse et prisonnière des affres de la dépendance affective.

Les accros aux faits divers se délecteront de cette luxueuse mise en scène d’une des histoires les plus mystérieuses de ces 40 dernières années, toujours irrésolué à ce jour et où s’entremêlent argent, mafia, soleil et sentiments.

Les admairateurs de Catherine Deneuve auront plaisir à la revoir filmée par Téchiné, toujours une autre, toujours elle-même, cette fois en mi mondaine mi chef d’entreprise, maternelle avec ses employés, distante avec sa fille, véritable « miracle filmique » pour reprendre la juste formule de Libération.

Mais ce qui fait l’originalité de ce film est ailleurs et est probablement involontaire.

L’intrigue se déroule essentiellement dans un casino. Or, l’économie du cinéma est ce que l’on appelle une économie de casino. On mise au départ, ça peut rapporter gros mais les gains sont très incertains. Le casino du film; le Palais de la Méditerranée est un peu à l’image du cinéma français : dirigé par Deneuve, il est un peu à l’ancienne, toujours au bord de la faillite, c’est une grande famille avec ses habitués, ses héritiers, ses arrivistes, et puis ses mafieux, ceux qui aimeraient bien racheter la maison, l’intégrer dans un gros groupe et rendre tout ça un peu plus rentable et efficace… Qui l’emportera ? Faites vos jeux… Rien ne va plus..

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Libre comme l’oiseau

 

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Les Bird People de Pascale Ferran sont à première vue ces cadres globalisés, nouveaux nomades sautant d’un Hilton à un Mariott,  toujours entre deux aéroports, allant de San Francisco à Paris, de Dubaï à Hong Kong en passant par Singapour. Ils parcourent le monde mais l’on se rend vite compte qu’ils ne le découvrent jamais. « Quand on pourra faire le tour du monde en 24h, pourquoi le faire ? » déclarait en 1985 Marguerite Duras dans une archive passée à la postérité. Voilà une question que se pose justement Gary, le protagoniste du film à la fenêtre entrouvrable de sa chambre climatisée qui a tout d’une prison dorée.

La réponse s’impose : tout arrêter, tout arrêter avant qu’il ne soit trop tard, avant d’étouffer. Difficile à expliquer à ses collègues, à sa famille, à ses amis, à son avocat,  totalement à l’ouest, au propre comme au figuré. 

Gary n’est pas le seul à subir sa vie. A l’autre extrémité de la chaîne alimentaire, Audrey, étudiante travaille comme femme de chambre dans le même hôtel  pour payer ses études. Deux activités qu’elle ne parvient plus à concilier.

Quand tout semble perdu, quand la vie n’a plus de sens, quand l’horizon est sombre, si sombre qu’aucune lumière ne point à l’horizon, il reste une solution : éprouver sa liberté. En plaquant tout, au sens propre, comme Gary, ou en prenant son envol, au sens figuré, comme Audrey transportée dans la peau d’un moineau.

L’un comme l’autre vont découvrir la beauté et les dangers de la liberté. Un moineau est libre mais menacé, par les avions, les prédateurs. Trouver sa nourriture est difficile, toujours la liberté nous met en position de marginalité, une situation de plus en plus difficile à assumer. Les hommes et les femmes libres seraient-ils de moins en moins nombreux ? Les moineaux, en voie d’extinction ?

Coïncidence, il y a quelques semaines dans son émission « La Planète Bleue » sur la radio suisse CouleurTrois, Yves Blanc rapportait que les moineaux sont en train de disparaître de nos villes.

A Londres, en 15 ans, leur population a chuté de 68%. Des scientifiques mènent actuellement des expériences pour comprendre les raisons d’une telle diminution. Une conjonction de phénomènes semble être à l’origine de ce déclin. Tout d’abord, les maladies se répandraient plus facilement au sein d’une population plus dense est plus faibles d’animaux. A cela s’ajoute un stress nutritionnel : pour survivre, les moineaux adultes peuvent se contenter des restes de fast-food mais ont besoin d’insectes pour nourrir leurs petits, or ceux ci sont introuvables en hiver. A cela s’ajoute le retour des prédateurs et notamment des rapaces qui recolonisent certaines villes sans parler des diverses pollutions chimiques et sonores.

La disparition des moineaux est d’autant plus regrettable que des études psychologiques montrent que le contact avec les animaux sauvage améliore la qualité de vie urbaine.

De plus, le moineau est considéré comme un bon indicateur de l’état de santé des espèces vertébrées dans les villes.

Depuis le temps, on devrait le savoir, il n’y a pas d’espèce qui disparaisse sans ombre inquiétante sur l’avenir de l’être humain.

Mais revenons-en à Bird People. En se faisant moineau, en réussissant à recréer la légèreté du vol du frêle animal à renfort de probables lourds moyens techniques (la première véritable utilisation artistique des drones ?), Pascale Ferran nous propose la seule chose qui vaille pour un cinéaste, un point de vue radicalement original sur le monde.

 

 

 

 

 

 

Bleu comme l’amour

13 octobre 2013 1 commentaire

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Le bleu est la couleur universelle, le bleu est partout, dans les cheveux d’Emma, sur le jean d’Adèle, sur les murs de l’école, sur une boîte aux lettres, sortant d’un fumigène, flottant dans l’océan, sur une petite robe… Le bleu est une couleur que tout le monde aime, il ne fallait pas grand-chose pour qu’elle devienne, le temps d’un film, la couleur de l’amour. Le bleu est partout comme l’amour est partout.

La vie d’Adèle est un film immense, immense comme la triple palme d’or qu’il a reçu. Immense et ordinaire comme l’histoire d’amour d’Adèle et Emma, une histoire de passion, de déchirement, de pardon. C’est une histoire sans gagnant à la fin si ce n’est le temps qui passe. C’est une histoire d’amour en dépit des a priori, de tous les a priori : de sexe, de classe, d’âge, de caractère, d’ambition, une attraction des mêmes et des contraires à la fois. C’est une histoire d’amour avec des regards sans fin, un désir irrépressible, des baisers dans un parc,  des étreintes cachées, une admiration réciproque,

C’est aussi un film sur la liberté. Qu’est ce que la liberté ? Qui l’incarne ? Est-ce Emma, l’artiste qui refuse les carcans de la société pour la création mais qui finit dans un couple où elle s’ennuie, dans une communauté gay où elle tourne en rond, dans une ville qu’elle ne quittera pas. Est-ce Adèle, plus prisonnière de son milieu d’origine mais qui parvient à s’en détacher à la fois en s’émancipant grâce à l’école où elle trouve une vocation d’institutrice et en s’ouvrant à d’autres milieux sociaux grâce à son histoire d »amour . C’est elle qui à la fin, contrairement à l’histoire racontée dans la bande dessinée s’en va vers un ailleurs inconnu mais que l’on devine lourd de menaces.

Au bout du compte, l’idée qui reste est que la liberté est un bien rare et précieux mais atteignable et que les deux protagonistes’ont gâché en gâchant leur amour,  Adèle prisonnière de sa dépendance affective et Emma prisonnière de son égocentrisme et in fine, toutes les deux prisonnières de leur passé qui ne passe pas.

C’est un film sur la France, la France d’aujourd’hui. Celle des banlieues et des villes,  des pâtes bolognaises et des huîtres au citron,  des homos et des hétéros, de la danse africaine en maternelle, des manuels et des intellos, des rêves et du plafond de verre, c’est la France des préjugés mais c’est aussi celle de la tolérance.

C’est un film sur le temps qui passe et qui ne change rien. On peut le remplir avec un métier, une famille, des amants, croire que l’on avance et un jour, recroiser une personne pour que le passé resurgisse. 10 ans ont passé et les héroïnes n’ont pas pris  une ride car on ne vieillit pas dans le regard de celui ou de celle que l’on aime et qui nous aime. On reste éternellement avec les traits, la jeunesse de l’instant de la première rencontre.

L’amour, la liberté, la France, le temps, un baiser de soleil, « j’aurai toujours une tendresse infinie pour toi », Adèle, Léa,  le bleu est une couleur chaude.

Elle revient…

1 septembre 2013 1 commentaire

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Betty est une adolescente comme les autres. Comme toutes les adolescentes, Betty vit chez sa mère, a des histoires d’amour, a un petit boulot de serveuse, a des galères d’argent, s’ennuie, fume en cachette, va en boîte, rêve d’une autre vie. Comme beaucoup d’adolescentes, Betty est très belle, elle a même remporté le titre de Miss Bretagne et comme certaine adolescentes, Betty a décidé de faire une fugue, comme ça, sans trop de raison, parce qu’elle en avait assez de sa petite vie triste et monotone…

Quelque chose différencie Betty de toutes les adolescentes. Betty a la soixantaine. Elle a été mariée, elle a eu une fille (qu’elle ne voit jamais) qui a eu un fils (qu’elle ne connaît pas) . Il s’appelle Charlie. Aussi espiègle et capricieux qu’attachant, il va débarquer dans sa vie.

Betty, cette adolescente, cette femme, cette mère, cette grand-mère, c’est Catherine Deneuve. Au sommet de son art, planant sur le film comme sur le cinéma français, elle interprète sans fausse note un personnage à l’épaisseur et à la complexité rares à la fois provinciale et ex Miss France, femme cougar, mère indigne, fille ingrate, grand mère rédemptrice et jeune fille amoureuse, une femme vieillissante à la beauté persistante. Une femme inclassable, hors normes, exerçant son libre arbitre, refusant le jugement des autres comme un miroir de son interprète qui avec les années qui passent ne cesse de se réinventer, choisissant habilement de faire confiance à de jeunes réalisateurs

Elle s’en va est un film qui réussit le pari d’être aussi drôle que touchant, un film sur le désordre des générations, sur ce que signifie « faire famille ».

Mention spéciale à Némo Schiffman en enfant terrible ainsi qu’à la chanteuse (et désormais actrice) Camille en mère et fille lunatique et paumée. 

Kumi & Jane #TheCoolEffect

Chers pas beaucoup mais de bon goût qui lisez ce blog,

sachez que deux filles parmi les plus cools de Paris (et donc de la Terre), Kumisolo et Jane Rioufol viennent chacune de publier un livre. Et il ne s’agit pas de n’importe quel type de livre. Des livres sur des sujets qui nous passionnent et nous concernent tous : la nourriture et le sexe. Et comme en plus d’être cools, Jane et Kumi sont smart : leurs livres réinventent et transgressent leurs genres respectifs, la classe ! 

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La viande n’est pas à la mode, c’est entendu. Manger de la viande, c’est totalement ringard, ravageur pour la planète et criminel pour les animaux. Si, comme moi, vous adhérez à ce discours  mais avez du mal à résister à un appétissant steak tartare, le livre de Kumisolo devrait vous parler. « Bon appétons » (car c’est comme ça qu’on dit au Japon) se compose de 13 petites recettes pour cuisiner non veggie mais funky et consommer de la viande avec goût et parcimonie !  Et comme la cuisine est un art, il y a même un CD conçu par lakitchenmusic.com pour écouter de la musique en cuisinant son Rice Burger de boeuf ou ses gyozas sister au porc ! Note pour les plus végétariens, si le livre de kumisolo ne vous fait pas changer d’alimentation, vous pouvez toujours vous rabattre sur la chapardeuse, le premier extrait du nouvel EP, La Femme Japonaise ! A fredonner pas seulement en cuisinant… 

L’appétit venant en mangeant, passons au livre de Jane qui montre que si écrire un Kama Sutra est un exercice périlleux, c’est un exercice possible dont elle se sort haut la main ! A côté de tous les kama sutra ratés qui répètent bêtement depuis des siècles des noms de positions que l’on ne connaît que trop, il existe désormais le livre de Jane Rioufol et Marie Perron. C’est un kama sutra réinventé pour aujourd’hui, dans l’air du temps et de notre temps qui répertorie X positions pour le faire chez soi, chez les autres, en société, en déplacement et partout ailleurs.  C’est un kama sutra séduisant,  inspirant, amusant, ébourriffant, et surtout libre  où figurent même les positions recalées aux commentaires décalés : « Il l’a portée jusqu’au lit, le lit était très loin, à l’arrivée, elle était devenue moche. »

Bref, que l’on soit de gauche ou de droite, végétarien ou carnivore, prenons position pour le Kama Sutra Cul(te) de Jane Rioufol et Marie Perron et dévorons le « Bon appétons » de Kumisolo ! 

 

Léa Mania

26 Mai 2013 1 commentaire

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En attribuant la Palme d’Or à entre autres, Léa Seydoux, le jury du 66ème festival de Cannes vient de récompenser la plus douée et prometteuse des actrices françaises.

Rien ne permettait de prévoir qu’elle saurait se hisser si haut.

Etre la petite fille du PDG de Pathé ouvre certainement toutes les portes du monde (et plus encore celles des films produits par Pathé) mais ne dit rien du talent de quelqu’un, de sa capacité à choisir les bons films, à rencontrer le public, la critique. Etre la fille de, comme ne pas être la fille de, n’entre pas dans la composition de l’alchimie.

Avec cette Palme d’Or, Léa Seydoux est tout simplement en train d’exploser, de s’installer au rang de star incontournable du cinéma français, de nouvelle Catherine Deneuve. Outre une ressemblance physique assez frappante, un certain goût pour le secret de leur vie privée, Léa (comme Catherine) parvient à marier apparitions dans de gros blockbusters populaires (Mission Impossible), films d’auteurs grand public (Midnight in Paris, Les Adieux à la Reine), et films confidentiels comme Belle Epine ou L’enfant d’en haut.

Souhaitons à Léa Seydoux que Blue is the warmest color soit son Belle de Jour…

#Notepourplustard1 : qu’un film mettant en scène un amour entre deux femmes remporte la Palme d’Or le jour d’une manifestation anti mariage gay, ça n’a pas de prix.

#Notepourplustard2 : Sur la couleur bleue, lire les livres de Michel Pastoureau.

#Notepourplustard3 : sur le palmarès at large, on se félicitera des nombreuses récompenses attribuées au cinéma asiatique tant chinois que japonais  et de l’absence de récompenses pour Ryan Gosling et Only God Forgive.

Eurovision, twelve points !

19 Mai 2013 1 commentaire

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Alors que l’édition 2013 vient de se terminer sur la victoire méritée du Danemark et que la cérémonie nous a semblé un peu plus fade que les précédentes années, c’est peut être parce qu’elle rendait la substantifique moelle ce qu’est l’Eurovision : compte rendu.

 L’exception culturelle française

Evacuons d’emblée le sujet qui fâche. Si la France propose d’année en année des prestations toutes plus désopilantes les unes que les autres, c’est au nom de l’exception culturelle. Nous ne sommes pas programmés pour l’Eurovision. Cette année marque toutefois un tournant. La France a décidé d’arrêter d’essayer. Après la tentative de ralier les pays de l’est avec Patricia Kaas, celle de rallier l’Europe des régions  avec Amaury Vassili, celle de jouer la carte de la branchitude kitsch avec Sébastien Tellier,  de tout miser sur le physique avec Angguun, aucune  logique ne semble avoir présidé à la désignation de celle dont nous avons décidé de torpiller la carrière en 2013 : Amandine Bourgeois. Preuve accablante s’il en est, le jury de « professionnel de la musique » est composé notamment …. du rédacteur en chef de Télé 7 Jours… Tout est dit…

La vieille gloire

Que serait une eurovision sans une vieille gloire sortie du formol ? Dans la série, le retour du come-back, c’est Bonnie Tiler qui cette année décroche la timbale avec une chanson au titre cruellement prémonitoire : Believe in Me. Malheureusement, il n’y aura personne pour croire en Bonnie qui finira dans les profondeurs du classement. Fort heureusement, l’abus de chirurgie esthétique nous empêchera de voir la déception sur son visage. Deux pistes pour un retour gagnant : Botox Queen, une chanson en duo avec Cher sur l’air de Dancing Queen ou un rôle de dark horse cyborg dans la série d’Arte, Real Humans.

 La star mondiale

A ranger dans la même catégorie que la vieille gloire, la star du moment. C’est donc en misant sur le combo gloire mondiale + plagiat de la chanson gagnante de l’année précédente que l’Allemagne pensait avoir mis toutes les chances de son côté. On ne dira rien de la prestation de Cascada, , la seule chanteuse sur terre qui arrive encore à faire passer Fergie pour une fille classe et nature.

Le fail

En choisissant une gagnante de la Nouvelle Star de leur pays, belle comme une fleur et âgée de 25 ans, les Estoniens ne se doutaient pas qu’ils se retrouveraient avec une femme enceinte jusqu’aux dents et incapable de bouger sur scène. C’est le fail 2013 de l’Eurovision.

Le punk

Figure également incontournable de l’Eurovision : le pays punk, celui qui a décidé que cette année, il ferait un gros fuck télévisé au reste de l’Europe en envoyant le groupe le plus improbable possible. Et c’est la Grèce qui après avoir failli couler l’Union Européenne, s’attaque à l’eurovision et continue de creuser son sillon punk en envoyant un groupe d’eurodance-sirtaki avec une chanson au titre explicit lyrics : Alcohol is free qui renvoie les mamies russes de l’année dernière et les finlandais du groupe Lordi au rang de petits joueurs… 

La chanson à se flinguer

Certes, à l’Eurovision, toutes les chansons sont un peu à se flinguer. Mais comme il y a des degrés dans la nullité, il y en a toujours une qui sort du lot. 2013 fut un gros cru pour la catégorie de la chanson à se flinguer avec nombre de ballades CelineDionesques hurlées par des chanteuses au bord de la rupture d’anévrisme mais personne ne pouvait rivaliser avec la chanson de la Hollande, gagnante incontestable dans sa catégorie que l’on imaginait pas aussi terrible malgré les mutiples mises en gardes des commentateurs de l’année, le duo Dumas-Féraud alias Mimi et Cycy qui ont encore assuré cette année. 

 La prestation « « artistique » »

C’est en général une catégorie assez disputée. 2013 fut ici une année bien décevante puisqu’un seul pays  s’est  lancé  cette année dans l’aventure ubuesque de produire une prestation « « artistique » ». Cependant, nous ne fûmes pas déçu. Un grand bravo à la Roumanie qui a eu l’idée de déguiser un chanteur d’opéra castra en Dracula dont les victimes zombifiées sortent de dessous sa cape au fur et à mesure de la prestation en effectuant des chorégraphies satanistes. Une production du Lobby Gay Mondial avec la participation de la Cosmogonie Rosecroix et de l’Ordre du Temple Solaire.

Bimbo contre Bimbo

L’Eurovision, c’est aussi l’affrontement des bimbos. Cette année, un grand merci à l’Ukraine et la Biélorussie qui ont joué à Bimbo Brune contre Bimbo Blonde. Ces deux tentatives s’étant soldées par des échecs, Bimbo Brune ira renforcer le sarcophage de Tchernobyl avec Ioulia Timochenko et Bimbo Blonde ira sans doute parfaire son bronzage quelque part… dans un goulag… 

La guerre des « songs »

Non, il ne s’agit pas là d’un épisode méconnu de la guerre du Vietnam mais bien de ce qui fait année après année, le cœur du concours de l’eurovision, la guerre impitoyable que se livrent les pays scandinaves pour remporter le concours, car oui, sous les tresses blondes, dans les paniers de fleurs, derrière les yeux bleus, Finlande, Suède, Norvège et Danemark sont at war.

Seule règle tacite au conflit, on ne gagne pas deux années de rang. C’est donc en vertu de ce principe que grande gagnante de l’année précédente, la Suède a décidé de préserver sa souveraineté territoriale,  d’agiter le drapeau blanc et de se la jouer pays neutre en envoyant un candidat sosie des Jedwards, sans intérêt. Entre les autres, tous les coups sont permis.

–       Mauvaise joueuse, la Finlande a tenté de transgresser la sacro-sainte règle du « pas de politique à l’eurovision » en envoyant un me too du groupe Aqua chanter une ode pro mariage gay. Carton Jaune.

–       Les norvégiens, eux, ont LE SEUM. Il n’en peuvent plus de ne pas avoir gagné depuis moins de 10 ans et ont décidé de le faire savoir en envoyant Skrillex déguisé en femme sur scène. A défaut d’avoir gagné, Skrillex a quand même vitrifié du regard tous les cadreurs suédois qui entraient dans son champ de vision. C’est toujours ça de pris.

–       Bonne pioche enfin pour le Danemark qui joue la carte du Peace Protest en envoyant au front une nymphette pieds nus savamment décoiffée qui semble droit sortie des plaines du Jutland… Illusion, elle est en fait apparentée à la famille royale… Bien joué le Danemark…

David Guetta versus Bernard Guetta

1,5 litres de coca light , une boîte de Pim’s et trois paquets de Chamallow plus tard, on s’apprête à sortir le Guronzan quand arrive le moment du décompte des points. Et c’est là que l’on troque sa casquette de David Guetta pour son costume de Bernard Guetta car dans cette partie, sans une bonne connaissance des grands enjeux géostratégiques européens, point de salut.

Vestige d’une grandeur perdue, l’Eurovision est avec le Conseil de Sécurité des Nations Unies, l’une des dernières institutions mondiales un peu shiny dans laquelle la France continue d’avoir un siège permanent ce qui présente des avantages mais aussi des inconvénients. On se rend ainsi cruellement compte de la réduction inexorable de l’hinterland culturel de la France. Là où aupravant nos #voisinslesplusproches  nous attribuaient d’office un quota oscillant entre 6 et 12 points, même la Suisse et la Belgique hésitent maintenant à nous attribuer un seul misérable petit point…

Un mystère demeure. Comment expliquer les 8 points attribué à la France par la République de San Marino ?

On regrette un peu que le concours ne soit pas diffusé sur TF1, filiale du groupe Bouygues, qui pourrait mener un efficace lobbying auprès des délégations de Biélorussie et d’Azerbaïdjan pour récupérer leurs précieux twelve points

Mais la France n’est pas la seule à déguster la soupe à la grimace. L’Allemagne mesure également son impopularité parmi les peuples européens de façon encore plus cruelle que la France compte tenu des efforts déployés pour remporter la compétition…

Il en va d’ailleurs de même pour l’ensemble des pays de la vieille Europe à l’exception notable de l’Italie. Les votes sont également l’occasion de vérifier la solidité des bonnes relations entre pays d’Europe de l’Est.  Finalement, seuls les pays d’Europe du Nord parviennent à mettre tout le monde d’accord jouissant à la fois d’une bonne image sur tout le continent et capables de produire des chansons calibrées pour l’occasion…

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Femen Bashing

12 février 2013 2 commentaires

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Ca y est, le Femen bashing est lancé. La théorie des 3L médiatiques : Lêcher, lâcher, lyncher va se vérifier une fois de plus. Une fois la meute lancée (et à lire Twitter, elle est lancée) rien ne peut plus l’arrêter. Elle va brûler avec la même énergie et la même conviction ce qu’elle a encensé hier.

La raison, un nouvel happening des Femen au sein de la cathédrale Notre Dame de Paris pour se féliciter du renoncement du pape Benoït XVI à sa fonction. Un happening dans la droite ligne, dans la plus pure tradition des happenings Femen : dénudé et antireligieux. Au fond, pas très différent, plus soft même, que celui qui a valu leur arrestation aux Pussy Riots et par suite le large (et mérité) mouvement de soutien dont elles ont bénéficié.

Mais pour une étrange raison, celui-ci ne passe pas. On ne s’interrogera pas trop sur les raisons de ce soudain désamour. Ce n’est pas la girouette qui tourne, c’est le vent. 

On observera également que dans un très synchro mouvement de balancier, le pape Benoît XVI voit lui sa cote de popularité remonter en flèche et passe du statut du lynché à lêché. Santo Subito ! 

Geais, Nez, Rations

11 février 2013 Laisser un commentaire
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Elizabeth II à l’âge de 3 ans

Il y a incontestablement du vrai dans l’article de l’ami Laurent David Samama.

Certainement, il existe une mainmise des seniors sur les postes à responsabilités et une volonté de ne rien lâcher. Probablement,  derrière le storytelling de la crise, il y a à l’œuvre un processus assez inédit dans l’Histoire de  domestication de la jeunesse. Il faudrait documenter plus avant ces intuitions en s’appuyant notamment sur les travaux du sociologue Louis Chauvel.

Pourtant, contrairement à LDS, la Une du Point, le pouvoir de ces « vieux » ne me choquent pas,  et pour reprendre une célèbre papylocution, ne m’indignent pas.

A dire vrai, je leur fais même davantage confiance qu’à ceux qui les suivent, les quadras et les quinquas d’aujourd’hui, pour diriger.  

Je pense qu’il y a moins une volonté de verrouillage de la part des plus de 60 ans qu’une incapacité de la génération suivante à diriger. C’est le syndrome du Prince Charles. Il devrait être roi, il a l’âge de la fonction,  mais en a t-il l’envergure ?

Il en va de même de la génération des quadras et des quinquas. Qu’ont-ils prouvés pour mériter le pouvoir et les responsabilités auxquelles ils pourraient logiquement prétendre? De quelle histoire, de quelle utopie sont-ils les dépositaires ? Qui sont les modèles, les héros, les intellectuels de cette génération ? Quelles sont ses valeurs ?

Les plus âgés sont au choix les héritiers de la seconde guerre mondiale, des trente glorieuses ou encore de 68, ils portent, ils croient, ils incarnent ces valeurs de paix et de progrès. Comparé à ce « background », de quoi les générations suivantes sont-elles le nom ? de la finance de marché ? de la mondialisation injuste ? De l’individualisme forcené ?

 Il y a sans doute un gros échec idéologique et moral de ces générations de quadra et de quinquas qui, se construisant contre la génération qui les a précédé, se sont rebellés contre la rébellion et ont porté des valeurs de conservatisme et de conformisme.

Laurent, qui sont les jeunes d’esprit de tes amis ? Qui sont ceux qui se mobilisent contre les injustices diverses et variées ?  Je ne pense pas y voir beaucoup de quadra et de quinquagénaires.

Reste la question de la nouvelle génération. Elle se dessine.  Plus contrastée peut être que la précédente. Plus conformiste encore d’un côté (ce sont les CDD et les stages que tu évoques), plus « disruptive » aussi qui invente de nouvelles formes de solidarités et de rapport au monde et aux autres. Je fais confiance à cette jeunesse là pour succéder à ces vieux et reprendre le fil de l’Histoire qu’ils tiennent encore.